les balades à vélo de Pierrot
le 21 décembre,
c'est l'hiver !
L'année 2011 fut consacrée à la vallée du Rhône suisse du lac Léman jusqu'à sa source et 2012 devait être consacrée à la découverte des sources d'un autre grand fleuve d'Europe, le Rhin, toujours avec mon frère Laurent et Marie-Annick, sa copine. Tout était prêt pour ce nouveau voyage à vélo : l'itinéraire était entièrement tracé depuis Bâle, notre point de départ, jusqu'aux vallées du Rhin antérieur et du Rhin postérieur, les hébergements tous retenus, les devises achetées et les sacoches bouclées. Il n'y avait plus qu'à charger la voiture et à partir jusqu'à ce mercredi maudit où tout tombe à l'eau : mon frère souffre d'une infection qui l'empêche complètement de bouger pour plusieurs jours… Il nous faut remettre ce voyage à plus tard, peut être en 2013. En attendant, nous discutons d'un plan B. Notre choix se fixe dans un premier temps sur Berlin, où vivent Marie-Annick et Laurent, qui est pour l'instant resté en Ile de France, en famille. Peut être aurons nous l'occasion dans un second temps d'aller ailleurs ?
Depuis Mende, le voyage vers Berlin n'est pas une mince affaire avec près de 1 450 km de voiture, pour pouvoir transporter mon vélo et tout mon bazar. Malheureusement, pour les Lozériens, le train n'est qu'une douce utopie… Par chance, Patricia et Eric, un couple d'amis qui vivent vers Metz, peuvent m'héberger chez eux ce qui me permet de couper ce long trajet en une première étape de 700 km jusqu'à chez eux le jeudi 15 juin puis une seconde de 800 km jusqu' à Berlin le lendemain. Le temps est favorable pour faire de la route : pas de pluie ni de grosse chaleur. Bref, un voyage sans problème même si le nombre de chantiers autoroutiers n'a pas baissé en Allemagne et si l'arrivée dans Berlin s'est faite vers 17 h 00, au moment de la sortie des bureaux…
Nous profitons du samedi pour faire des courses pour les pique-niques des jours suivants, à vélo comme toujours dans Berlin ville où le cycle est roi ! C'est un réel plaisir de redécouvrir cette ville sans jamais utiliser la voiture mais il faut vite reprendre ses repères et faire attention aux Berlinois qui, eux, foncent sur les pistes cyclables ou sur les trottoirs aménagés qui existent presque dans toutes les rues et les parcs de la ville. Rassurez-vous, après quelques jours passés à Berlin, on roule comme eux ! En plus, le terrain de jeux est plutôt grand : avec une superficie de près de 900 km², la ville de Berlin est 8,5 fois plus grande que celle de Paris mais compte seulement 1,5 fois plus d'habitants.
Le choix de nos premières balades à vélo se porte sur le Berliner Mauerweg. Cet itinéraire piéton et cycliste a été aménagé tout le long du tracé du mur qui sépara la République Démocratique Allemande et Berlin Est de Berlin Ouest durant plusieurs décennies. Rappelez-vous, cela a commencé le dimanche 13 août 1961, date à laquelle les Berlinois découvrirent avec stupeur, tôt le matin, les premiers barrages barbelés provisoires qui furent vite remplacés par un mur en moellons puis en dalles béton dès les jours suivants, et ce fameux jeudi 9 novembre 1989, où le mur tomba enfin. Ce système de protection frontalière avait pour objectif d'empêcher les ressortissants de la RDA et de Berlin Est de rejoindre Berlin Ouest et l'autre coté du rideau de fer. Il a été largement «perfectionné» au cours des années et se composait d'un mur extérieur le long de la frontière, pouvant atteindre jusqu'à 3,60 m de haut (celui visible depuis Berlin Ouest et que tout le monde connait) et d'un second mur d'arrière plan.
Entre les deux, se trouvait la bande de sable du no man's land les miradors, les bunkers, les chemins de ronde et les fossés anti-véhicules, sur une largeur variant de quelques mètres à plusieurs centaines de mètres, le tout surveillé par des milliers de garde-frontières et leurs chiens ! La longueur totale de cette frontière hermétique avec Berlin Ouest faisait 155 km dont 43 km entre Berlin Ouest et Berlin Est. Etant donné la distance à parcourir, nous choisissons de faire le Berliner Mauerweg en deux jours.
Ce samedi matin, le ciel est parfaitement dégagé et les prévisions météorologiques sur Berlin nous annoncent un soleil durable et des températures très agréables pour faire du vélo. Nous choisissons comme point de départ de cette randonnée l'un des sept anciens points de contrôle frontaliers entre Berlin Ouest et Berlin Est, le fameux «Checkpoint Charlie», hautement symbolique et connu de tous les touristes (point n°4 sur la carte). Depuis la Lindenstraße dans le quartier de Kreuzberg où résident Marie-Annick et Laurent, il ne nous faut que quelques minutes à vélo pour le rejoindre. C'est à ce point de passage qui était exclusivement réservé aux étrangers et aux diplomates, que le 25 octobre 1961 les chars d'assauts soviétiques et américains se sont faits face figés à quelques mètres des uns des autres seulement, suite à la remise en cause par les garde-frontières de la RDA du principe de libre circulation des forces alliées dans Berlin. Durant 16 heures, le monde entier redouta une nouvelle guerre entre les deux puissances nucléaires et, heureusement, une issue diplomatique fut trouvée à cette crise !
Aujourd'hui, le touriste peut y découvrir la cabane du point de contrôle américain et, au sommet d'un mat les portraits de deux soldats, l'un soviétique et l'autre américain. Par contre, l'ancien mirador que j'avais vu lors de ma première visite berlinoise a disparu. A l'écart, vous pouvez aussi découvrir un ancien poteau original de la frontière qualifiée «du meilleur système protège-frontière du monde» par un général de la RDA ainsi que l'emblème de la RDA et un morceau du mur. C'est très certainement l'un des points de Berlin les plus fréquentés et les cars y déversent sans arrêt leur flot de touristes. A partir de ce point, nous commençons à longer le mur, en se dirigeant vers l'est. Son tracé, entre ce qui fut Berlin Ouest et Berlin Est, est matérialisé au sol par une double rangée de pavés et l'itinéraire du parcours est balisé par des panonceaux placés sur les poteaux de signalisation routière la plupart du temps. Le seul petit problème est leur couleur grise qui les rend peu visible, ce qui nécessite un peu d'attention aux carrefours afin de ne pas s'égarer. Plus loin, le mur traverse la rivière la Spree au niveau du Schillingbrücke et nous amène à la East Side Gallery, sur la rive droite de la rivière. Il s'agit du plus important site où a été conservé le mur sur plus d'un kilomètre de long.
C'est ici qu'on peut y admirer les véritables œuvres d'art que sont notamment les peintures d'une Traban traversant le mur et le célèbre baiser de l'amitié entre Leonid Brejnev, secrétaire général du parti communiste de l'Union Soviétique, et Erick Honecker, président du Conseil d'État de la République Démocratique Allemande. En bas de la peinture, est écrit en allemand : « mon Dieu, aide moi à survivre à cet amour mortel »... Le mur traverse à nouveau la Spree sur l'Oberbaumbrücke pour gagner le quartier de Treptow. Nous longeons pendant plusieurs kilomètres quelques uns des nombreux canaux qui traversent Berlin et des Kolonie, sorte de jardins ouvriers où les habitants font leur potager ou y ont aménagé un petit coin tranquille,généralement avec un cabanon pour se reposer.
Pour gagner le quartier de Rudow, il nous faut à nouveau traverser un canal via une piste cyclable qui est un modèle d'aménagement : elle est intégrée à l'ouvrage d'art de l'autoroute qui la surplombe, avec une longue rampe d'accès en pente douce et un enrobé sur au moins trois mètre de large. C'est un vrai régal de découvrir des aménagements de cette qualité où le cycliste est en parfaite sécurité ! Quelques hectomètres plus loin, nous arrivons sur un site où des restes du mur sont encore visibles. Ici, aucune peinture artistique ne les décore et seul un grillage les protège. Nous voici maintenant arrivés au sud de Berlin, à proximité de l'aéroport de Schönefeld, en cours d'extension depuis la fermeture en octobre 2008 de celui de Tempelhof désormais reconverti depuis 2010 en un immense parc de 380 ha, pour le plus grand plaisir des Berlinois.
Le paysage jusqu'à présent urbain prend maintenant des allures champêtres et le Radweg sort par endroit de Berlin intra muros sans jamais trop s'en éloigner. Sur notre gauche, les champs de céréales s'étendent à perte de vue alors que ce qui fut le no man's land est dorénavant un espace vert boisé où la nature reprend ses droits. A hauteur du village de Schönefeld, la piste cyclable longe l'ancien chemin de ronde toujours placé sous la surveillance de ses vieux lampadaires. Le chemin du mur se dirige maintenant globalement vers l'ouest et le quartier de Tempelhof. Pour franchir une ligne de chemin de fer, l'itinéraire emprunte la Mozartstraße et ses superbes pavés qui font encore le charme de nombreuses rues berlinoises, pour le plus grand plaisir des cyclistes ! Ne les loupez pas si vous venez à Berlin, je suis certain que vous en conserverez un souvenir ému !
La halte du midi pour le pique-nique se fait dans un lieu symbolique : l'allée des cerisiers. Elle doit son nom à ces arbre plantés en 1990, suite à une donation du peuple japonais pour commémorer le premier anniversaire de la chute du mur. Après cette pause, nous reprenons la route en longeant le canal de Teltowen rive gauche, sur le territoire de l'ex-RDA. Plus loin, aprèsêtre revenu sur la rive droite du canal, nous découvrons une stèle dressée en mémoire aux victimes anonymes de la séparation de l'Allemagne. De nombreuses autres sont visibles sur tout le tracé du mur pour chacune des victimes, rappelant leurs noms et les circonstances de leur mort, comme nous le verrons plus tard.
Nous quittons la zone urbaine pour maintenant rentrer dans les bois de Düppel par un très long chemin rectiligne en parfait état. Au passage au-dessus de l'A 115, par laquelle je suis entré dans Berlin, nous apercevons les bâtiments de l'ancien point de passage de Drewitz puis, arrivés au bout de ce chemin, nous franchissons une nouvelle fois le canal de Teltow pour se diriger à travers les bois vers l'enclave de Steinstücken. Environ 200 habitants y vivaient sur le sol de la RDA alors que cette enclave faisait partie du secteur d'occupation américain. L'armée de l'air américaine y a maintenu en permanence quelques hommes et un hélicoptère afin de préserver un contact aérien jusqu'en 1972 et la restitution à Berlin Ouest de la route qui la desservait. Un peu plus loin, après avoir longé puis traversé le lac de Griebnitz par le pont Park Brücke, nous voici maintenant dans l'enclave de la RDA de Kleine Glienicke, accessible par cet unique pont qui était placé sous une très étroite surveillance à l'époque. Depuis notre départ, nous avons parcouru près de 75 km et nous voici maintenant arrivé aux portes de Postdam. Sans aucun doute, nous sommes dans les quartiers bourgeois de la ville (je me demande d'ailleurs s'il y a autre chose à Postdam).
Les maisons y sont dignes de véritables manoirs perdus dans leur parc boisé, tel des bijoux dans leurs écrins. Par contre, ce n'est pas toujours le cas de la route que nous empruntons. Sur quelques dizaines de mètres, nous voici confrontés non pas à des pavés mais à une route simplement empierrée… Aie ! Ouille ! Nous sortons de Berlin par le Glienicker Brücke. Ce pont est devenu célèbre suite à l'échange en 1962 de l'agent du KGB Rudolf Abel contre le pilote américain Francis Powers, dont l'avion-espion U2 avait été abattu au dessus de l'Union Soviétique lors d'un vol de reconnaissance. Par la suite, en 1985 et 1986, d'autres opérations du même type y eurent lieu ce qui valut à ce pont le surnom de «pont des échanges» ou «pont des espions». Ce fut aussi l'un des tous premiers postes frontières ouverts le lendemain de la chute du mur. Nous entamons notre visite de Postdam en gagnant le centre-ville par le parc du château de Cecilienhof, dans lequel se déroula la conférence de Postdam, du 17 juillet au 2 août 1945 en présence des Etats-Unis, de l'URSS et du Royaume-Uni. C'est à ce moment là que fut réglé le sort des vaincus et notamment celui de l'Allemagne en la divisant en quatre secteurs d'occupations.
Mais le joyau de Postdam est sans nul doute le château de Sans-Souci et son magnifique parc. Il servit de résidence d'été à Frédéric le Grand, roi de Prusse, qui y reçut notamment Voltaire et, à cette époque, les conversations s'y faisaient exclusivement en français. Comme l'accès des vélos est interdit dans le parc, nous faisons comme tous les autres cyclistes en les attachant à une grille avant de pénétrer dans le parc par le coté «est». Après être passés devant la grotte de Neptune, nous découvrons la façade du château, ses terrasses en gradins et son superbe escalier central. Nous profitons des quelques places encore libres sur les bancs autour de la pièce d'eau pour s'y assoir et admirer ce monument en profitant du goûter car c'est l'heure !
Après cette pause, nous rejoignons Berlin et le mur là où nous l'avions quitté, au Glienicker Brücke, une nouvelle fois à travers le parc du château de Cecilienhof, mais en passant par le Marmorpalai. Le Berliner Mauerweg longe ensuite sur une dizaine de kilomètres les rives boisées de la Jungfernsee et de la Großer Wansee, des lacs formés par la rivière «la Havel», avant de rejoindre la gare de Wansee. Pour aujourd'hui, nous nous arrêtons là et prenons le S-Bahn (l'équivalent du RER francilien) pour gagner le centre de Berlin. Il est un peu plus de 18 h 30 mais c'est sans aucun problème que nous montons dans la rame, avec nos vélos comme beaucoup d'autres voyageurs d'ailleurs !
Nous en descendons à la station Tiergarten, pour finir cette belle journée à vélo en empruntant l'avenue du 17 juin qui traverse l'immense parc de Tiergarten, en passant par la Siegessäule où s'élève en son centre la Großer Stern, une colonne de la victoire en mémoire des guerres passées. C'est un peu comme les Champs Elysées parisiens mais avec des pistes cyclables et la verdure en plus. Dans l'axe de l'avenue, se dresse la porte de Brandenburg (Brandebourg, en français) et, au loin, la tour de la télévision. Avec la compétition de l'Euro 2012, cette partie de l'avenue est totalement fermée à la circulation automobile pour laisser place aux écrans de télévision géants, aux buvettes et fans de football. Ce soir, c'est jour de match et le service d'ordre est très vigilant tout comme la police. L'accès n'est possible qu'aux piétons, après une fouille corporelle. Face à l'affluence, nous préférons rejoindre la Postdamer Platz, par les chemins à travers Tiergarten plutôt que par la porte de Brandenburg. Il ne nous reste alors qu'une poignée de kilomètres avant de rejoindre la maison pour achever cette superbe balade à vélo d'un peu plus de 100 km à la découverte de cette première partie du Berliner Mauerweg.
La météorologie annonçant un passage orageux pour le milieu d'après-midi, nous choisissons de reporter la poursuite de notre découverte du Berliner Mauerweg au lendemain, pour lequel les prévisions sont beaucoup plus optimistes. Mais ce n'est pas pour autant que le vélo doit rester au garage ! Nous partons de bonne heure en longeant l'un des canaux entre la Havel et la Spree jusqu'à cette dernière. Au passage dans un parc, se dresse un ancien mirador datant de 1963 qui servait de poste de commandement et désormais classé monument historique. Au moment où nous rejoignons la Spree, c'est avec un très grand étonnement que je découvre une œuvre artistique de Jonathan Borofsky assez étrange tout de même : Molecule Man. Il s'agit en fait d'une statue en aluminium de 30 m de haut et de 45 tonnes, qui représente trois silhouettes humaines se faisant face et qui se dresse dans le lit de la rivière.
Plus loin, nous traversons la Spree via le Fähre, un bac du réseau des transports publics berlinois, pour gagner la rive nord et prendre la direction de Köpenick, à l'extrémité «est» de Berlin. Nous y faisons une halte au café, dans les jardins du château. Après quoi, nous roulons vers le lac de Großer Müggelsee, avant de poursuivre notre route à travers la forêt, sur une superbe piste cyclable en enrobé, vers le lac de Dämeritzsee. En parallèle, une seconde piste, qui longe la rive du lac et ses quelques plages de sable, est destinée aux randonneurs pédestres. La qualité des équipements cyclables continue de me surprendre… Depuis notre départ, il nous faut parcourir un peu plus de 30 km pour quitter Berlin intra muros et arriver au village d'Erkner. C'est maintenant l'heure du repas. Nous peinons à trouver une auberge sur les rives du lac et ce n'est qu'en arrivant dans le centre du village que nous apercevons enfin un restaurant. Au premier abord, nous sommes un peu rétifs mais nous n'avons guère le choix et, finalement, nous y mangeons vraiment très bien. Bref, aucun regret bien au contraire !
A la reprise, nous empruntons le même chemin pour rejoindre le centre de Köpenick avant de gagner la station du S-Bahn de Spindlersfeld où nous arrivons vers 15 h 00. Plus le temps passe, plus le ciel s'obscurcite, plus la température s'élève et plus l'atmosphère devient pesante. Nous sortons du S-bahn à la station de Tempelhof, l'ancien aéroport de Berlin aujourd'hui fermé, que nous longeons pour rejoindre la maison. Par chance, cette belle randonnée de 65 km s'achève avant que les premiers orages n'éclatent. Quelques jours plus tard, nous viendrons découvrir Tempelhof, ce site gigantesque qui n'a pas cédé aux sirènes de la spéculation immobilière mais qui est désormais un parc de 380 hectares ouvert au public. C'est une véritable surprise d'y découvrir sur les anciennes pistes presque tous les engins de loisir à roues qui existent : beaucoup de vélos évidemment mais aussi des skate-boards, des rollers, des planches à voile munies de roues, des kites-surfs sur roulettes, le tout se croisant dans le plus grand désordre mais sans accident ! Aux beaux jours, vous y verrez aussi des cerfs-volants des barbecues, et les Berlinois et Berlinoises s'adonner aux joies du bronzage…
Pour vous donner une idée, nous avons parcouru plus de 11 km pour faire le tour du site, en passant par les deux pistes principales. Malgré tous nos efforts, nous ne sommes jamais parvenus à décoller ! En passant à proximité des hangars, un authentique «Rosinenbomber» (bombardier de raisin sec) est encore visible. Il s'agit en fait d'un des avions américains ayant participé au pont aérien qui a ravitaillé Berlin lors du blocus terrestre entre juin 1948 et mai 1949.
Ce mardi matin, les prévisions météorologiques de l'avant veille s'avèrent exactes : il fait à nouveau très beau et pour l'instant pas encore trop chaud. Nous décidons de poursuivre notre découverte du Berliner Mauerweg. Il nous faut donc rejoindre Wannsee pour reprendre cette randonnée là où nous l'avions interrompue avant-hier et le moyen le plus simple pour cela est le S-Bahn. Le pique-nique chargé dans les sacoches, nous remontons en selle en direction du centre ville. Après être repassé à Checkpoint Charlie, nous continuons la Friedrichstraße quasiment jusqu'à la Spree pour arriver à la gare. Décidément, GBDN, Gaston, brêle de nain, mon vélo, n'a jamais autant pris les transports en commun ! Il est à peine 8 h 00 lorsque nous arrivons à la gare. Par chance, malgré cette heure propice au départ vers les bureaux, la gare n'est pas bondée et nous nous faufilons assez facilement dans la rame.
Une quarantaine de minutes plus tard, nous voici sur le quai de la gare de Wansee, il ne nous reste alors plus qu'à descendre tranquillement vers la rive du lac de la Grosser Wannsee pour atteindre le quai du Fähre qui nous fera traverser la Havel. Le bateau est à quai mais le capitaine n'est pas encore arrivé. Il nous faut donc patienter quelques minutes en compagnie d'un groupe scolaire qui part lui aussi en excursion.
Comme il n'y a pas de guichet ouvert sur le quai, nous nous acquittons simplement de notre billet après le départ, au moment du contrôle. Par ce temps splendide, nous laissons les vélos sur le pont inférieur avant de s'installer au niveau du pont supérieur, en plein air, pour profiter pleinement du panorama sur le lac. Après une demi-heure de cette agréable traversée, nous débarquons à Kladow vers 9 h 15.
Nous voici à pied d'œuvre, prêts à repartir pour une belle balade à vélo, désormais non plus en secteur américain mais britannique. Mais avant tout, un peu d'orientation ne fait pas de mal. Ce n'est pas très compliqué dès lors qu'on a pris la sage précaution de se munir du guide adéquat. Il en existe un pour chacun des dizaines d'itinéraires cyclables de la région et tous sont très précis à la fois dans la description du parcours, des sites et des monuments à visiter qu'au niveau de la cartographie. En plus, le Berliner Mauerweg est balisé tout du long. Le plus difficile est de se tromper…
La bonne direction étant prise, nous quittons Kladow par de petites routes puis une piste cyclable en enrobé nous emmène jusqu'au lac de la Grosser Glienicker, en se frayant un chemin dans les bois de pins sylvestres. Nous y découvrons un tronçon très court (à peine quelques mètres de long) du mur qui a pu être sauvegardé. Quelques imbéciles sont venus y faire des tags, bien loin des œuvres artistiques de la East Side Gallery ! Plus loin, le parcours nous fait longer la Postdamer Chaussee sur quelques kilomètres. C'est un axe routier important mais le Berliner Mauerweg en est séparé par une bande enherbée plantée d'une rangée d'arbres ce qui confère une certaine sécurité. Par endroit, il pénètre même plus profondément dans les bois pour encore plus de tranquillité.
Depuis notre départ de Kladow, les paysages sont à l'opposé de ceux rencontrés lors de notre première balade avec une urbanisation quasiment absente. Par endroit, on se demande même si nous sommes encore dans Berlin intra muros. Mais oui, c'est bien le cas même si nous ne croisons personne, n'apercevons pas le moindre immeuble et que nos seuls compagnons sont les champs de céréales et la forêt ! Alors que nous nous approchons du quartier de Spandau, le Berliner Mauerweg bifurque à angle droit sur notre gauche, dans une petite descente. Je n'ai que le temps d'apercevoir le panneau indicateur en passant devant avant de faire un gros freinage et un demi tour pour reprendre la bonne direction, celle du Hahneberg, qui culmine à 87 m d'altitude quand même !
Sur notre droite, la civilisation réapparaît avec les immeubles de Spandau alors que nous arrivons à l'ancien poste frontière de Staaken qui fut un important point de passage entre la RDA et Berlin Ouest. De nombreux panneaux d'information y présentent les règles de circulation des véhicules en vigueur à l'époque et des photographies du poste frontière. L'un d'entre eux rappelle qu'ici, jusqu'au 10 novembre 1989 à 0 h 32, se tenait le rideau de fer qui séparait l'Allemagne et l'Europe en deux blocs. Un peu plus loin, dans la Bergstraße, une croix en bois et un panneau d'information ont été érigés en mémoire de Dieter Wolhfahrt.
Cet étudiant de 20 ans, qui aidait d'autres étudiants à franchir la frontière, trouva la mort à cet endroit le 9 décembre 1961. Ce jour, il devait aider une femme à fuir la RDA mais celle-ci l'avait trahi. Alors qu'il découpait la clôture du dispositif frontalier, les garde-frontières qui l'attendaient ouvrirent immédiatement le feu en l'apercevant et le laissèrent agoniser dans le no man's land sans aucun secours. Malgré tous les monuments rappelant cette période tragique de l'histoire allemande, il reste difficile de s'en rendre compte aujourd'hui tellement ce quartier est désormais paisible avec ses petites maisons, ses rues pavées tranquilles et ses allées de tilleuls. Nous poursuivons notre chemin à travers Staaken jusqu'à la forêt de Spandau que nous traversons sur une très belle piste en enrobé avant d'arriver à Eiskeller (la glacière, en français).
Nous voici maintenant à l'orée des bois, au milieu des prairies humides et de quelques marécages jusqu'au carrefour avec la Berliner Allee où nous faisons un court arrêt. C'est là que nous quittons momentanément le Berliner Mauerweg pour se rendre au village de Siedlung Schönwalde, vers l'est. Notre guide y mentionne la présence d'un chêne millénaire que nous sommes très curieux de découvrir. Ce n'est qu'à une poignée de kilomètres, ce qui ne fait pas un gros détour, et pour ne pas changer, une superbe piste cyclable en enrobé nous y amène en toute sécurité !
Une fois dans le village, nous ne trouvons aucun panneau signalant cet arbre mais nous finissons par découvrir un groupe de trois chênes dont le diamètre et la taille laissent à penser qu'ils ont tous atteint un âge très respectable. Le plus gros d'entre eux, peut être le plus vieux, n'a plus qu'une seule énorme branche vivante, les autres ayant toutes été coupées. C'est à leurs pieds que nous faisons notre pause ravitaillement vers 11 h 30 avant de revenir sur nos pas (ou plutôt sur nos roues) pour reprendre le Berliner Mauerweg en direction de la Havel, toujours à travers la forêt de Spandau.
La rivière atteinte, nous sommes désormais dans l'ancien secteur français de Berlin et notre parcours longe la rive vers le nord en direction de Hennigsdorf. Au passage, nous faisons une halte à Nieder Neuendorf, au niveau d'un mirador transformé en musée en 1999. Nous y rattrapons un petit groupe de cyclotouristes qui semble, lui aussi, suivre le Berliner Mauerweg et avec lequel nous ferons quelques kilomètres ! Sur un panneau d'information uniquement en allemand, ce qui rend sa compréhension plus difficile, une photographie permet de visualiser ce site tel qu'il était durant la guerre froide, avec évidemment le mur principal puis, du coté de la RDA, la bande de sable, les lampadaires, le chemin de ronde, le mirador et les clôtures qui composaient le dispositif frontalier :
Nous profitons de cet arrêt pour goûter à quelques cerises qui subsistent encore sur les arbres. Un peu plus loin, nous franchissons le canal de la Havel à sa confluence avec la rivière. Aujourd'hui, quelques bateaux de plaisance y naviguent paisiblementet rien ne laisse penser qu'existait ici un ancien poste de contrôle du transport fluvial des marchandises vers ou en provenance de la Pologne. Plus tard, après avoir traversé Hennigsdorf puis la Havel, le chemin du mur longe la route principale jusqu'à Stolpe Süd où fut construit le dernier poste frontalier en 1982. Au bord de cette route, nous passons devant une marchande de fraises (la grande spécialité du Brandenburg, avec les asperges) et sans trop se forcer, nous nous laissons tenter. Avec beaucoup de précaution, la barquette est placée dans la sacoche bien à plat, en espérant que notre futur itinéraire ne sera pas pavé ! Après quoi, notre parcours s'enfonce à nouveau dans les bois. Il est maintenant plus de 13 h 00, la faim commence à se faire sentir et il est temps de trouver un coin sympa pour le pique-nique.
Désormais, le Berliner Mauerweg emprunte une piste cyclable en bitume mais ce ne fut pas toujours le cas. Seulement quelques années auparavant, cet aménagement n'existait pas et il fallait affronter un long chemin de sable. Bref, on ne pouvait y passer qu'à pied ou en poussant le vélo sur plusieurs kilomètres dans un sable fin, un peu comme sur une dune. Nous avions déjà rencontré une telle situation lors de nos vacances polonaises en Mazurie et nous avions eu beaucoup de mal tellement les roues des vélos chargés s'enfonçaient profondément dans le sable… Sans aucune hésitation, nous choisissons donc la piste en enrobé parallèle au chemin de sable que nous laissons aux fous ou aux plus costauds !
Après quelques minutes, nous trouvons un coin totalement ombragé, au sommet d'une petite cote. Comme les autres jours, nous avons au menu ce midi du pain pour les sandwichs, de la charcuterie, du fromage, quelques abricots et de belles fraises qui sont arrivées entières. Miam, miam… Avec le soleil et la chaleur, il ne faudrait pas grand-chose pour s'endormir au milieu des pins sylvestres mais il reste encore pas mal de route alors nous remontons en selle un peu avant 14 h 00 pour rejoindre le village de Hohen Neudorf, point le plus au nord de la frontière entre Berlin Ouest et la RDA.
Une charmante surprise nous attend plus loin dans la traversée de la forêt de Tegel : l'enrobé a disparu, laissant place à de superbes pavés disjoints, sur quelques centaines de mètres voire peu être un peu plus encore. Nous passons sur les bords du chemin, là où les feuilles s'accumulent et où le sable fait office de joint entre les pavés, après avoir fait un essai peu concluant sur quelques dizaines de mètres en roulant au centre de la chaussée. Les secousses y sont trop dures à supporter à moins d'avoir un vélo aux suspensions très efficaces ce qui n'est pas le cas.
A la sortie des bois, nous retrouvons un revêtement routier plus agréable en arrivant sur l'Oranienburger Chaussee. C'est dans cette rue que furent creusés les premiers tunnels par lesquels plus d'une trentaine de personnes réussirent à rejoindre Berlin Ouest. Un peu plus loin, au niveau de l'enclave de Sandkrug, notre parcours prend la direction du village de Lübars, à travers les quartiers résidentiels puis en longeant la legere Fliess, une rivière, et la réserve naturelle de Tegel.
A l'endroit où le tracé du chemin du mur bifurque vers le sud, nous quittons la frontière entre Berlin Ouest et la RDA pour suivre maintenant celle avec Berlin Est jusqu'au centre de la capitale allemande. Pour l'instant, seules les prairies de fauche où paissent quelques chevaux nous entourent mais nous sommesencore loin de la porte de Brandenburg.
Nous découvrons «the Berlin bird», une étonnante sculpture représentant un échassier de métal de plus de 3 mètres. Installé devant le mur, sa tête se dresse au-dessus de celui-ci en regardant vers Berlin Est. Le plus étonnant est sa date de création : le 1er décembre1988, soit moins d'un an avant la chute du mur. La plaque de bronze scellée sur le mur, qui a été conservé à cet endroit, précise qu'elle a été créée par George Willie et les élèves des écoles du quartier,ous la très étroite surveillance de la police est-allemande.
Plus loin, à hauteur des quartiers de Mitte et de Wedding, nous traversons le parc du mur. Cet espace vert, dans lequel sont implantés des stades, est un lieu de rencontre très fréquentée notamment par la jeunesse et l'on y croise parfois une «faune»étrange et guère avenante. Nous longeons le mur de second plan, le seul à être conservé ici, pour déboucher,au sortir du parc, sur la Bernauer Straße. Aujourd'hui, cette rue abrite l'un des plus importants centres commémoratifs de l'histoire du mur et très certainement le plus prenant.
A de nombreux endroits, le mur y est encore visible mais ici, contrairement à la East Side Gallery, aucune peinture artistique ne couvre le béton armé dont les armatures sont parfois visibles, probablement en raison des coups de pioches donnés par les Berlinois en novembre 1989... Les portions du mur détruites y sont maintenant symbolisées par une plaque d'acier posée au sol de laquelle s'élève une double rangée de barres d'acier verticales. Sur les bâtiments situés du coté de l'ancien secteur soviétique, les façades sont recouvertes de peintures reproduisant des photographies prises en 1961.
Parmi elles, celle de Hans Conrad Schumann, un soldat de la RDA sautant par-dessus des fils de fer barbelés. Une fois de plus, son histoire est tragique. Le 15 août 1961, soit deux jours après le commencement de sa construction, ce soldat était affecté à la surveillance du mur, constitué alors d'une simple barrière de fils barbelés. A l'appel de Berlinois vivant de l'autre coté de la rue, et malgré la crainte d'être abattu par ses collègues, il choisit de franchir la frontière, sauta par-dessus les barbelés et réussit à passer à l'ouest. Ce moment fut immortalisé par un jeune photographe dont le cliché fit le tour du monde avant de devenir l'une des photographies les plus célèbres de la guerre froide. Malheureusement, après la chute du mur, à son retour chez lui, ses amis et son voisinage le considérèrent plutôt comme un traître qu'un héros et quelques années plus tard, il se suicida par pendaison en 1998.
Parmi elles, celle de Hans Conrad Schumann, un soldat de la RDA sautant par-dessus des fils de fer barbelés. Une fois de plus, son histoire est tragique. Le 15 août 1961, soit deux jours après le commencement de sa construction, ce soldat était affecté à la surveillance du mur, constitué alors d'une simple barrière de fils barbelés. A l'appel de Berlinois vivant de l'autre cotéde la rue, et malgré la crainte d'être abattu par ses collègues, il choisit de franchir la frontière, sauta par-dessus les barbeléset réussit à passer à l'ouest. Ce moment fut immortalisé par un jeune photographe dont le cliché fit le tour du monde avant de devenir l'une des photographies les plus célèbres de la guerre froide. Malheureusement, après la chute du mur, à son retour chez lui, ses amis et son voisinage le considérèrent plutôt comme un traître qu'un héros et quelques années plus tard, il se suicida par pendaison en 1998.
On peut aussi y découvrir la photographie d'ouvriers construisant le mur avec des moellons et celle de Berlinois sautant dans la rue par les fenêtres de leurs immeubles pour fuir vers l'Ouest au lendemain du dimanche 13 août, jusqu'à ce que les autorités de la RDA fassent murer les entrées et les fenêtres deces bâtiments. Il faut dire qu'à cet endroit, la façade des immeubles se trouvait dans Berlin Est alors que le trottoir était dans Berlin Ouest ! Sur ces mêmes façades, d'autres photographies plus petites représentent la rue à différentes époques jusqu'à la chute du mur. Avant le croisement avec l'Ackerstraße, se dresse aujourd'hui la nouvelle chapelle de la réconciliation.En ce lieu, une ancienne chapelle fut érigée en 1894. Le mur une fois construit, son entrée se trouvait à seulement quelques mètres de la frontière au milieu du no man's land et devint inaccessible avant d'être détruite en 1985. Quinze ans plus tard, la nouvelle chapelle y fut construite et inaugurée le 9 novembre 2000, jour du onzième anniversaire de la chute du mur. Après avoir quitté la Bernauer Straße, nous passons quelques minutes plus tard devant un ancien mirador des garde-frontières avant de longer le canal de Spandau et de traverser le cimetière Invalidenfriedhof qui fut partiellement détruit lors de la mise en place du dispositif frontalier. Au bout de la rue, nous débouchons sur la Invalidenstraße où se trouvait un ancien poste frontière. C'est ici qu'au lendemain de la construction du mur que fut abattu le premier fugitif, Günter Litfin.
Plus loin, nous traversons la Spree pour arriver dans le quartier des ministères. Après avoir fait le tour du Reichstag, le parlement allemand, nous voici devant ce qui doit être le monument le plus symbolique de la séparation mais aussi de la réunification de l'Allemagne, la porte de Brandebourg coiffée de son quadrige qui représente la déesse de la victoire. Avec les manifestations sportives de l'Euro 2012 et la retransmission des matchs sur la place du 18 mars où se dresse la porte, la foule est trop nombreuse et nous filons vite en direction de la Postdamer Platz. A cet endroit, avant la chute du mur, la largeur du no man's land atteignait plusieurs centaines de mètres et les lignes de transport en commun (U-Bahn et S-Bahn) s'interrompaient de part et d'autre du mur. S'en m'être familière, cette place évoque quelques souvenirs. Lors de ma première venue à Berlin au début des années 2000, de gigantesques travaux étaient en cours pour reconstruire ce quartier et en faire l'un des plus dynamiques de Berlin. Aujourd'hui, le Sony Center draine une foule énorme comme l'ensemble de ce quartier d'affaires.
Cette frénésie de travaux s'est calmée mais pas complètement comme en témoignent les canalisations aériennes peintes en rose qui serpentent encore dans quelques rues. Pour être franc, au début des années 2000, Berlin regorgeait de ces canalisations mais je ne savais pas à quoi elles pouvaient servir. En fait, elles sont utilisées pour l'évacuation des eaux du sous-sol drainées lors des travaux de terrassement. Le 26 juin, lors d'une autre balade, nous finirons par découvrir l'extrémité de ces canalisations qui rejètent leurs eaux dans la Spree. En poursuivant notre chemin dans la Niederkirchnerstraße, nous découvrons sur 200 m environ des restes du mur, là aussi fortement dégradé par ceux qui voulaient le détruire ou en récupérer un morceau dans les années 1989 et 1990. C'est aussi dans cette rue que le mémorial de la «topographie de la terreur» nous ramène à une période encore plus ancienne et plus sombre de l'histoire allemande. Ce site abritait le coeur du régime national socialiste entre 1933 et 1945 avec la police d'état, le poste de commandement des SS etleur service de sécurité ainsi que les services centraux de la sécurité du Reich. Aujourd'hui, une exposition en plein air y rappelle ces heures noires de l'histoire alors qu'un pâté de maisons plus loin, un ballon aux couleurs d'un célèbre quotidien allemand offre aux touristes une vue panoramique sur la ville, comme pour se sentir un peu plus léger…. Puis la Zimmerstraße nous ramène à Checkpoint Charlie, notre point de départ deux jours auparavant, à la découverte du Berliner Mauerweg. La boucle est bouclée et il ne nous reste alors plus qu'à rentrer à la maison après une balade de 93 km.
Au final, je ne peux que vous recommander de faire cette randonnée si vous avez l'occasion de vous rendre à Berlin. Elle ne présente pas de difficultés, hormis quelques portions aux revêtements «rugueux» pour lesquelles un VTC suspendu est vivement conseillé, et vous fera découvrir les multiples facettes de cette ville immense tout en vous plongeant dans son histoire récente. Evidemment, pour en profiter encore plus intensément, il faudrait certainement découper le Berliner Mauerweg en trois ou quatre étapes journalières afin de visiter l'ensemble des sites et des monuments qui en jalonnent l'itinéraire. Mais je ne sais même pas si cela serait encore suffisant tellement Berlin est vaste et son patrimoineriche. Alors cela pourrait être l'occasion d'une nouvelle visite. Quelque soit votre choix, n'oubliez pas de partir avec un guide, une carte pour les petits détours et n'oubliez pas de consulter cette véritable mine d'informations sur le chemin du mur qu'est le site Internet suivant : https://www.berlin.de/mauer/fr/ dont les pages sont traduites dans toutes les principales langues européennes.
Pour ma part, la découverte de la ville se poursuit dans les jours suivants, toujours à vélo. Durant ces quinze jours de vacances berlinoises, ma voiture ne bougera de sa place de parking que pour repartir vers Mende...
Le vendredi 22 juin, nous partons pour une balade à vélo en après-midi à la découverte du centre de Berlin, entre les quartiers de Mitte et de Friedrichshain, en passant une nouvelle fois par Check Point Charlie. Du pont qui enjambe la Spree, nous découvrons sur notre gauche le dôme de la cathédrale alors que face à nous s'élancent les clochers de l'église Saint Nicolas dont nous faisons le tour par d'étroites routes pavés. Je profite des boutiques pour acheter quelques souvenirs dont notamment le petit ours en peluche aux couleurs de Berlin qui voyage désormais avec moi, accroché à la sacoche du vélo. Un peu plus tard, il sera baptisé Bébert : la première syllabe pour Berlin et la seconde pour le mot allemand Bär se prononçant «bèr» et qui signifie ours ; cet animal étant l'emblème de la ville.
Notre balade nous amène ensuite devant la Rotes Rathaus (en français, la mairie rouge), construite en petites briques rouge puis au pied de l'impressionnante tour de la télévision qui domine toute la ville du haut de ses 358 m, pour arriver enfin sur Alexanderplatz. Nous sommes ici au cœur de l'ancien Berlin Est. De cette place, et sur plusieurs kilomètres jusqu'à la porte de Frankfurt, s'étend la Karl Marx Allee dans la plus grande tradition de l'architecture de l'URSS : une très grande avenue à trois voies dans chaque sens de circulation, séparées par un large terre-plein central, avec des trottoirs encore plus largesqui accueillent la piste cyclable, un pelouse et une rangée de tilleuls. Après quoi, de chaque coté se dressent de monumentaux immeubles d'habitation aux façades impeccables. Sur le toit de l'un deux, nous découvrons une ancienne et authentique enseigne des entreprises Tatra, constructeur de poids lourds.
Arrivés à la porte de Francfurt, nous décidons de revenir vers Alexanderplatz en passant dans les petites rues derrière la Karl Marx Allee. Le spectacle est tout autre, fini le décor de cinéma et place à la réalité avec des immeubles beaucoup plus modestes et même parfois complètement délabrés et voués à une prochaine destruction. Plus tard, de retour dans Mitte, nous voici maintenant dans Hacherscher Höfe, un coin très touristique de la ville où l'on se faufile entre les immeubles dans une série d'étroites ruelles piétonnes et commerçantes, passant d'une arrière cours à une autre pour arriver enfin à l'un des magasins emblématiques de Berlin : celui de l'Ampelmann (l'homme ampoule). C'est ce petit bonhomme vert ou rouge que les Berlinois vivant à l'est ont découvert en 1961 sur les feux de signalisation routière mis en place aux passages piétons alors qu'à l'ouest, il fallait se contenter des messages «walk» ou «don't walk» peu visibles et nettement moins pédagogiques pour les enfants. Depuis, l' Ampelmann a été copié dans tous les pays du monde. Il est même devenu, avec la Traban, l'une des mascottes de l'Ostalgie qu'éprouvent certains Berlinois; ce terme désignant une certaine nostalgie de la vie en RDA. Dans cette boutique, vous le trouverez sous toutes les formes possibles : carte postale, porte-clés, magnets, serviettes de toilettes, tasses, lampes, ballons, parapluies, et bien d'autres encore…
Après une visite assidue du magasin, le chemin du retour à la maison nous fait passer par Oranienburgerstraße, devant la synagogue sous surveillance policière permanente et un peu plus loin, devant la cathédrale puis dans le quartier des musées pour enfin revenir dans Kreuzberg.
Dès le lendemain, nous repartons pour une randonnée sur la journée à la découverte du Brandenburg vers Chorin, au nord de Berlin. Nous choisissons de prendre le train pour nous y rendre et de faire le voyage retour à vélo car un aller-retour aurait été trop long (près de 200 km). Pour cale, il faut se lever tôt et filer vers la gare centrale où nous arrivons vers 8h00. C'est là que les choses se compliquent. En effet, ce samedi est le premier jourdes vacances pour les Berlinois et c'est l'affluence sur le quai où nous patientons dans l'attente de l'arrivée de notre train. En plus, nous sommes très loin d'être les seuls à partir à vélo. Par chance, les trains allemands sontaménagés avec des espaces dédiés aux vélos de part et d'autres de chaque wagon, contrairement à nos TER français… Au final, il doit y avoir dans notre voiture plus d'une vingtaine de cycles, avec leurs sacoches et même une remorque pour enfants sans oublier quelques poussettes. Il faut un peu de temps pour arriver à charger tous les vélos et trouver une place pour chaque voyageur même si certains doivent s'asseoir sur les marches.
Après une heure de voyage, nous voici sur le quai de lagare de Chorin, point de départ de notre randonnée d'une centaine de kilomètres qui doit nous ramener à Berlin. Avec son abbaye, ce petit village est un site touristique réputéet nombreux sont les randonneurs ou cyclos qui descendent en même temps que nous. Le temps de charger les sacoches sur les vélos et nous voici parti sur de petites routes pavées et des chemins mais c'est la déception en arrivant à l'abbaye.
Toutes les toitures des bâtiments sont recouvertes d'immenses bâches bleues et le site est un vaste chantier nous empêchant de profiterde la beauté du site. Nous reprenons alors la piste cyclable en direction du hameau de Sandkrug avant de bifurquer à travers la forêt vers Liepe. La route se transforme en un chemin forestier par endroit pavé ou empierré sur plusieurs centaines de mètres où règne une quiétude absoluebien agréable.
Une fois arrivés au village, nous prenons la direction de Niederfinow et de son élévateur à péniche métallique inauguré le 21 mars 1934 sur le canal qui permet la jonction entre les fleuves la Havel et l'Oder, ce dernier marquant la frontière germano-polonaise à une douzaine de kilomètres seulement. Encore plus impressionnant, un nouvel ouvrage en béton est actuellement en construction dans un gigantesque chantier pour permettre le passage de péniches toujours plus grosses.
En sortant du village, nous apercevons deux jeunes cigognes perchées dans leur nid au sommet d'un mât. Un peu plus loin, avant de pénétrer dans Ederswalde, la piste cyclable en enrobé laisse place à un tronçon construit en dalle de béton. La plus grande attention est nécessaire car les crochets en forme de «∩» en acier destinés à permettre leur manipulation lors de leur pose n'ont parfois pas tous été retirés… Au passage de l'autoroute A 11, notre itinéraire rejoins le Berlin - Usedom Radweg que nous suivons désormais jusqu'au centre de la capitale. Dans la forêt, l'ancienne route pavée qui mène à Biesenthal est maintenant doublée d'une piste en enrobé. Je vous laisse deviner sur laquelle des deux se porte notre choix. La faim commençant à se faire sentir, nous faisons une halte au niveau d'une aire de pique-nique en bordure de la piste, avec une grande table équipée d'un auvent sous lequel nous nous installons. Pendant que nous cassons la croûte, de nombreux cyclistes défilent sur la piste en ce 1er jour de vacances avec quelques familles au grand complet et même les plus jeunes des enfants ont des sacoches sur leur vélo !
Après une courte sieste, il faut reprendre la route. Le ciel se couvre progressivement mais l'impression de beau temps persiste quand même. Dans la traversée de Biesenthal, alors que nous admirons le superbe vieux chêne sur la place du village,arrive à bicyclette un couple avec leur jeune fille qui transporte une grande peluche de Bart dans le panier de son vélo. Ceux de ma génération se souviennent peut être de Bart et Ernest, les marionnettes de «1 rue Sésame» qu'on regardait à la télévision dans notre jeunesse, à la fin des années 1970. Et comme de mon coté je porte un maillot cycliste à l'effigie de Bart, on a tous rigolé lorsque l'on s'est croisé ! Nous approchons maintenant de Berlin, les villages et les gros bourgs se succèdent. Dans Bernau, nous longeons les anciennes fortifications pour traverser la ville. Quelques kilomètres plus loin, nous entrons dans Berlin par les quartiers de Zepernick, Berlin-Buch, Karow, Pankow et enfin Mitte pour enfin rejoindre la maison vers 17h30.
Ce dimanche 24 juin, c'est repos mais ce n'est pas une raison suffisante pour ne pas grimper sur le vélo. En après-midi, nous partons découvrir l'ancien aéroport international de Tempelhof. Après sa fermeture le 30 octobre 2008, la pression immobilière fut vaincue par la volonté des Berlinois et cet espace a été aménagé en un vaste parc de 380 hectares. Toutes les activités sportives ou non y sont possibles : le vélo bien sûr, le roller, le skate-board, la planche à voile montée sur roues, la voiture à pédale, le cerf-volant, la balade à pied, le farniente sur les immenses pelouses ou le pique-nique avec barbecue. On y trouve aussi de vastes espaces clos pour laisser les chiens se défouler, des podiums qui doivent servir pour des concerts et même des jardins potagers. Bref, Tempelhof est devenu un incontournable lieu de rendez-vous pour les Berlinois qui s'y retrouve par milliers. Nous en faisons le tour complet soit un peu plus de 12 km, en passant par les deux pistes principales de plus de 2 kilomètres mais malgré tous nos efforts, nous n'arriverons jamais à décoller ! Malheureusement, en ce début d'année 2013, il semble que les serres des rapaces de l'immobilier soient plus acérées que jamais et que le parc soit en danger…
Le mardi 26 juin est consacré à une nouvelle randonnée en après-midi dans Berlin intra muros, à l'assaut du Teufelsberg, le point haut de la capitale qui culmine à l'altitude quasi himalayenne de 114,7 m ! Mon frère qui est enfin rétabli nous accompagne. Le départ se fait en direction de la Spree dont nous longeons la rive sur plusieurs kilomètres, en passant derrière les bâtiments gouvernementaux, le parc de Tiergarten puis par le ministère de l'intérieur devant lequel se trouvent un court tronçon du mur et une sculpture intitulée «nous sommes le peuple» qui représente un homme traversant le mur.
Par la suite, nous rejoignons le parc du château de Charlottenburgqu'il est possible de traverser à vélo avant de gagner l'Olympiastadion où eurent lieu les jeux olympiques de 1936 en plein régime nazi. Sur le coté se trouve des toilettes publiques. Jusqu'à là, rien d'extraordinaire mais leur nom allemand «pissoir» fait sourire et le pictogramme est très explicite !
De là, nous mettons le cap au sud pour entrer dans la forêt de Grunewald qui borde la Havel à l'assaut du Teufelsberg. Un chemin en pavés autobloquants permet de gagner le sommet. L'ascension n'est pas longue mais le tronçon final est pentuet il faut vraiment appuyer sur les pédales pour monter. Unefois en haut, un étroit sentier permet de faire le tour de l'ancienne antenne radar aujourd'hui désaffectée et presque en ruine. Par prudence, il nous faut mettre pied à terre à un endroit pour ne pas risquer de glisser dans la pente car le chemin est trop dégradé. Après une rapide descente par la route goudronnée, nous longeons le Teufelssee pour rejoindre par de grands chemins la route bordant les rives de la Havel. La voie cyclable qui la longe tout du long est séparée des voies de circulation par une large bande enherbée parfois plantée de chênes, nous permettant de rouler en toute sécurité même si son revêtement est parfois bosselé. Arrivés à hauteur de l'autoroute A 115, nous la longeons sur quelques kilomètres pour rejoindre un passage souterrain qui nous permet de la traverser. Nous voici maintenant sur un chemin qui nous emmène à la découverte des étangs de cette vaste forêt de Grunenwald jusqu'au stade de tennis Steffi Graf où nous sortons des bois pour entrer dans le quartier de Grunewald et de Schmargendorf.
Les somptueuses propriétés que nous découvronsle long des étangs de Diane et du Roi ne laisse planer aucun doute : nous sommes désormais dans les beaux quartiers de Berlin ouest. Cela se confirme un peu plus loin avec les ambassades de nombreux pays et d'immenses villas à l'architecture parfois de mauvais goût. Pou rentrer, nous nous dirigeons vers l'est en traversant quelques uns des nombreux parcs de la ville pour être plus tranquille. Finalement, nous arrivons à la maison vers 19h00 après une balade de 65 km.
La matinée du jeudi 28 juin est passée dans Charlottenstraße chez Fassbender & Rausch, l'un des meilleurs chocolatiers que je connaisse. Même si vous n'êtes pas un amateur d'excellents chocolats, allez-y ne serait-ce que pour admirer les sculptures en chocolat de la porte de Brandenburg, du Reichstag, de l'église du Souvenir, d'un Airbus A 380, du Titanic en cours de réalisation lors de ma visite ou d'un énorme ours. Malheureusement, un écriteau précise qu'il est interdit d'y toucher. Dommage, j'aurai volontiers croquer dedans ! Pour me venger, je cède à la tentation en remplissant ma sacoche de quelques boîtes de chocolats. Suite à cette visite fort agréable, nous décidons de déjeuner dans un petit restaurant en ville. Par chance, il reste encore quelques tables libres en extérieur pour notre plus grand plaisir.
Après avoir repris des forces, c'est le moment de notre ultime balade à vélo dans Berlin vers le quartier de Marzahn avant que je reparte vers Mende. Le ciel est couvert au départ mais la température n'en est pas moins agréable. Marzahn est le dernier quartier populaire aménagé avant la chutedu mur au début des années 1980 pour quelques dizaines de milliers d'habitants. Nous sommes ici dans l'ancien Berlin Est comme le tramway et le nom de certaines rues l'attestent (allee der Kosmonauten). Ici, pas de superbes demeures, d'ambassades ou autres villas luxueuses mais des grandes tours de logements collectifs, pas de grosses berlines allemandes mais de nombreuses petites voitures citadines françaises.
Au milieu de ces grands ensembles, persiste le cœur du village de Marzahn avec ses rues pavées, son église et, perché sur une colline couverte de prairies, un vieux moulin à vent en parfait état. En contrebas, une collection d'anciens matériels agricoles est exposée dans un verger. Le contraste avec les barres HLM en arrière plan est saisissant ! Après la visite du vieux village, nous nous dirigeons vers le parc d'Erholungspark Marzahn pour grimper au point de vue qu'offre le sommet du Kienberg à 102,2 m d'altitude aujourd'hui.
Bizarrement, ce ne fut pas toujours le cas. Par le passé, son altitude ne dépassait pas 58 m avant que le site soit utilisé comme décharge jusqu'en 1970 où il fut réhabilité en espace vert. Après quoi, c'est le retour à la maison en passant dans la vallée de la Wuhle puis le long de la Spree.
Depuis notre départ, le ciel s'est éclairci, les nuages ont disparu et le soleil de cette fin d'après-midi nous offre une superbe lumière sur les anciens bâtiments industriels d'Oberschöneweide encore présents le long des quais. Ces deniers doivent être classés ce qui devrait les protéger de la fièvre immobilière qui règne dans la ville. A l'arrivée de cette chouette balade, le compteur affiche 63 km.
Durant cette dizaine de jours passés à Berlin, nous avons fait près de 500 km de randonnées sans compter toutes les petites balades et les tours de vélo pour aller au ravitaillement. Et pendant ce temps, pas un kilomètre parcouru avec la voiture … Avec ces très nombreux aménagements cyclables, Berlin est une ville très agréable à vélo. Celui-ci n'y est pas seulement un loisir mais aussi un moyen de transport qu'une grande majorité de Berlinois utilise au quotidien pour se rendre au travail ou faire les courses, avec des sacoches ou des paniers accrochés presque en permanence au vélo sans oublier parfois les remorques. Un petit bémol quand même, il est prudent et même nécessaire de se munir d'un solide antivol sous peine de ne pas revoir son vélo car le vol est malheureusement assez répandu. Mais cette sage précaution étant prise, la ville entière s'ouvre alors à vous. Et pour ceux qui désirent aller plus loin comme nous l'avons fait, le S-Bahn et le train vous permettent de le transporter facilement.
Alors n'hésitez pas, si vous allez à Berlin, prenez votre vélo ou louez-en un sur place et faites-vous plaisir, vous ne le regrettez pas !
© les balades à vélo de Pierrot - récit en date du .
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Vous pouvez également consulter la carte de l'itinéraire de cette superbe randonnée historique dans la rubrique «mes beaux voyages» de la cartothèque via le menu «la médiathèque» ou directement en cliquant ici.